Modibo Oumarou : « il faut inscrire les activités pastorales dans tous les plans de développement communaux (PDC) »
L’élevage mobile ou pastoral est une vieille activité pratiquée sur le continent. Il contribue pour une part importante à l’économie des pays du Sahel. Ces dernières décennies, il est confronté à plusieurs difficultés sociopolitiques et environnementales. Dans le souci de le promouvoir, plusieurs projets d’envergure régionale sont mis en œuvre et recourent à l’approche territoire parmi lesquels le projet élevage pastoralisme intégré au Sahel et en Afrique de l’ouest (PEPISAO). Rassemblés à Abidjan du 22 au 28 septembre dans le cadre de la semaine pastorale régionale, une activité de capitalisation des acquis du PEIPSAO, le rôle des collectivités territoriales dans la valorisation et les potentialités économiques de l’élevage a été abordé.
Occasion pour M. Modibo Oumarou, Secrétaire exécutif de l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS), de partager avec Ecovisionafrik.net le rôle des collectivités pour la promotion du secteur et des recommandations si elles sont mises en œuvre de contribuer à renforcer la résilience des éleveurs et la promotion de l’élevage mobile.
Quel peut être le rôle des collectivités territoriales dans la valorisation de la potentialité économique de l’élevage pastoral ?
Les collectivités territoriales jouent différents rôles dans la valorisation du potentiel économique de l’élevage pastoral. Elles ont entre autres compétences : l’animation territoriale, le développement local, l’aménagement du territoire et l’habitat, la mise en place d’infrastructures, les équipements, le transport, la gestion de l’environnement, l’alphabétisation/l’éducation, etc….
Les marchés à bétail génèrent des ressources financières non moins négligeables aux territoires. Sur quels leviers s’appuyer pour améliorer les conditions de travail et la résilience des acteurs clés que sont les éleveurs et commerçants de bétail?
En effet les marchés à bétail procurent des recettes énormes aux collectivités territoriales à travers des taxes formelles prélevées sur les présentations et ventes des animaux d’une part et d’autre part toute l’économie informelle qui se développe autour de ces marchés (restauration, petit commerce, etc..). Pour une meilleure maitrise des recettes issues des marchés, il faut que ces marchés soient aménagés et autogérés avec une forte implication des acteurs directs (organisations d’éleveurs notamment). Les comités de gestion doivent être inclusifs et rendre compte régulièrement de la gestion des marchés qui leur est confiée.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les organisations d’éleveurs dans leurs relations avec les collectivités territoriales?
Les difficultés qui sont parfois rencontrées sont l’insuffisance des aménagements, la faible prise en compte de l’élevage pastoral dans les plans de développement communaux et les plans annuels d’investissement, l’insuffisance de formation des acteurs directs.
Quelles sont les recommandations d’APESS à l’endroit des collectivités pour la promotion de l’élevage pastoral?
Au regard de ce qui a été expliqué plus haut et de ce qui se fait sur le terrain, nous pouvons formuler certaines recommandations, si elles sont mises en œuvre permettront de valoriser la potentialité économique de l’élevage pastoral. Ainsi, il faudrait :
- Inscrire les activités pastorales dans tous les plans de développement communaux (PDC) et les décliner en actions concrètes à travers les plans annuels d’investissements ;
- Mettre en place des infrastructures et aménagements pastoraux (marchés à bétail, puits, forages, parcs de vaccination, aires de repos, couloirs de passage, aire de pâturage) pour promouvoir la pratique de l’activité et générer des revenus importants ;
- Promouvoir la transformation des produits laitiers pour augmenter les revenus des éleveurs et des acteurs des chaines de valeur en mettant un accent sur les plateformes d’innovations lait. Cela pourra concerner les laiteries, les dispositifs de collecte, et aussi de conservation et commercialisation des produits transformés ;
- Accompagner les mini laiteries pour les marchés institutionnels en s’inspirant des contrats du PAM avec des mini laiteries à Dori au Burkina Faso pour fournir des produits laitiers aux cantines scolaires ;
- Promouvoir le partenariat public-privé pour favoriser les investissements et les innovations de l’élevage pastoral ;
- Encourager ou susciter la création des coopératives pour permettre aux éleveurs de regrouper leurs ressources, d’accéder plus facilement aux marchés et de négocier collectivement (exemple à l’occasion des fêtes religieuses de Tabaski) ou de fin d’années faire la collecte des animaux et des ventes groupées y compris pour l’exportation vers les pays ayant des besoins plus importants) ;
- Apporter des appuis pour l’entreprenariat rural en fournissant un soutien aux jeunes désirant se lancer dans l’élevage pastoral (Embouche bovine et ovine, production du fourrage, productions de semences fourragères, etc…) ;
- Organiser au mieux l’exploitation minière qui constitue un danger pour l’élevage pastoral (dégradation de la végétation, la pollution des points d’eau par les produits chimiques, amenuisement des nappes phréatiques en raison du besoin élevé en eau de cette activité) ;
- Promouvoir l’électrification rurale (en valorisant l’énergie solaire ou le bio gaz) pour faciliter la conservation des produits ;
- Renforcer les capacités des acteurs à travers des formations spécifiques (transformation des produits, hygiène, gestion des troupeaux, etc …).
Propos recueillis par Anderson AKUE