La sécurité alimentaire au Sahel et en Afrique de l’ouest est menacée ces dernières années. Les crises alimentaires deviennent bien plus complexes et multiformes Les effets du changement climatique, l’insécurité civile et la démographie galopante constituent des menaces pour la réussite des campagnes agricoles. En dehors de ces menaces, la disponibilité des intrants (semences, fertilisants, eau, et autres) ne suffit pas à elle seule pour la réussite d’une campagne agricole mais il faudrait disposer d’un bon outil de décision. Cela passe par la disponibilité d’un bon système d’information ayant la capacité d’anticiper et de faire des prévisions plus ou moins justes. C’est à cet exercice que des représentants des services des statistiques agricoles et des systèmes d’alerte précoce des pays membres du CILSS, de l’UEMOA et de la CEDEAO, des partenaires au développement, des ONG internationales, des organisations paysannes et de la société civile se sont prêtés au cours d’une concertation régionale sur les perspectives agricoles et alimentaires au Sahel et en Afrique de l’ouest, à Lomé du 14 au 16 septembre 2022.
Initiée par le programme régional d’appui à la sécurité alimentaire et la nutrition (PRA/SAN), cette rencontre vise à dresser le bilan à mi-parcours du déroulement de la campagne agrosylvopastorale et halieutique dans la région du sahel et en Afrique de l’ouest.
Au terme des travaux, le constat dégagé est que le déroulement de la campagne a évolué pour se stabiliser en fin août 2022 pour aboutir à une situation proche de la normale et excédentaire dans la plupart des pays ayant présenté les résultats de leurs travaux au cours de cette rencontre de Lomé. Toutefois, quelques poches localisées ont été identifiées dans la boucle du Liptako Gourna frontière partagée par le Burkina Faso, le Niger et le Mali, et aussi un peu dans le nord et centre-nord du Sénégal et dans le nord-est du Nigeria
Autre fait marquant, des inondations enregistrées dans certains pays soldés par des pertes en vies humaines. Pour les écoulements des cours d’eau, la tendance est à la hausse et sera favorable à une agriculture irriguée pendant la saison sèche.
Le coordonnateur du PRA/SAN, Dr Issoufou BAOUA donne des précisions :
Pour la situation pastorale, on s’attend à une disponibilité fourragère de la tendance normale à excédentaire exceptée dans la boucle des trois frontières et au centre du Sénégal et au nord du Nigeria.
La situation phytosanitaire est marquée par des attaques des prédateurs et surtout une pression des parasites sur le coton en particulier au Mali.
Sur le plan de la surveillance acridienne, la tendance est maîtrisée. Toutefois, la vigilance sera maintenue de façon à mieux informer sur les risques et les conditions défavorables.
Sur le plan de la production agricole, avec des scénarii pessimistes (fin de saison agricole en mi-septembre) la production serait estimée à environ 71 millions de tonnes de céréales ; ce qui serait un peu déficitaire d’au moins 2% comparée à l’échantillonnage. Au regard des perspectives qui sont favorables à la poursuite des pluies, en fin septembre et octobre, la production pourrait évoluer vers une hypothèse optimiste équivalant à une production autour de 78 millions de céréales. Ce qui serait excédentaire de 7% comparée à la moyenne.
Au regard de la situation générale, de certains facteurs en termes de risques dans la région, nous avons l’influence de la crise sécuritaire, non seulement dans le bassin du Lac Tchad partagé par le Niger, le Nigeria et le Tchad, mais surtout dans la zone des trois frontières Burkina Faso, Mali et Niger, et qui commence par avoir des tentacules au nord Bénin, au nord Togo avec des influences au nord de la Côte d’Ivoire.
En outre, « la situation dans la zone des trois frontières a engendré des déplacements massifs de populations en laissant derrière elles, tout ce qu’elles ont comme moyen de production (terres, animaux, etc) ce qui limite les capacités de production dans ces zones frontalières avec déficit de production alimentaire », a expliqué Dr BAOUA.
Les participants recommandent aux Etats de : i) Poursuivre et renforcer la mobilisation politique et financière pour la mise en œuvre des plans nationaux de réponse, y compris les mesures de sécurisation et de facilitation de l’assistance alimentaire dans les zones d’accès difficile du fait de la crise sécuritaire ; ii) Diversifier les sources d’approvisionnement alimentaire afin d’assurer une meilleure accessibilité à des prix abordables des aliments et renforcer la résilience des populations vulnérables ; iii) Anticiper la préparation de la prochaine campagne agricole irriguée de saison sèche 2023, notamment le soutien à l’accès des producteurs aux intrants et au matériel agricoles ; iv) Renforcer la veille, la surveillance et la lutte contre les ennemies des cultures et ravageurs dans les zones de production agricole ; v) Maintenir et renforcer la vigilance jusqu’au mois d’octobre afin d’alerter à temps opportun sur les risques d’inondation dans les bassins fluviaux à haut risque.
Au CILSS et institutions sous-régionales, il est recommandé de :i) Poursuivre le renforcement des capacités techniques des pays dans la maîtrise et l’utilisation des outils modernes plus efficace pour assurer un meilleur suivi de la campagne agricole ; ii) Mutualiser les efforts afin de mettre en œuvre des solutions communes face à la hausse généralisée des prix des denrées, la vie chère et la crise alimentaire et nutritionnelle majeure que connait la région ; iii) Appuyer la mise en place et/ou la dynamisation des Groupes de Travail Pluridisciplinaire (GTP) dans les pays pour assurer la veille informationnelle sur la sécurité alimentaire, la nutrition et les risques de catastrophes surtout pendant la campagne agricole en particulier ; iv) Accélérer l’opérationnalisation de la composante aliment bétail de la réserve régionale de sécurité alimentaire (RRSA) en vue de faire face aux déficits fourragers récurrents observés dans la région.
Aux partenaires en développement, les participants recommandent de : i) Soutenir les efforts consentis par les États et les OIG pour l’autonomisation des pays en renforçant et accompagnant leurs systèmes nationaux et régionaux d’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et en particulier ; ii) Poursuivre les appuis à l’autonomisation des pays pour prendre le leadership sur le déroulement des formations et des analyses du Cadre Harmonisé ; iii) Accompagner les États pour l’opérationnalisation du Nexus Humanitaire-Développement-Paix en réponse aux crises alimentaires et nutritionnelles récurrentes aggravées dans les zones de conflit ; iv) Soutenir les efforts des gouvernements dans le renforcement des systèmes de protection sociale et des mécanismes d’anticipation et de prévention des crises.
Pour information, la Charte pour la prévention et la gestion des crises alimentaires (PREGEC) vise à améliorer la coordination et l’efficacité de l’aide alimentaire notamment à travers un renforcement des systèmes d’information, des plateformes de dialogue et de la cohérence des interventions. Elle a été adoptée en 2012 par les 17 États de la région et leurs partenaires. Aujourd’hui, elle intègre de nouveaux acteurs tels que des ONGs ou le secteur privé.
Anderson AKUE
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